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De 1932 à 1938, son port d’attache fut Paris.
En mars 1938, sous le gouvernement du Front
Populaire, Mak fut victime d’une machina-
tion: un important homme d’affaires, Mr
C. G., ayant décidé de mettre un terme aux
élans amoureux de sa fille pour cet artiste
à la réputation sulfureuse, obtint de la
Préfecture de Paris son expulsion hors de
France ; Mak se réfugia en Belgique au sud de
Namur. Dès le mois de mai, il gagna Bruxelles
où s’était implantée une importante “colo-
nie” d’émigrés russes. Il se remit rapidement
au travail dans l’espoir de mettre sur pied
une exposition de qualité. Il réalisa de nom-
breuses miniatures. L’expo sition ne se fit pas.
Pour subvenir à ses besoins, il tenta d’obtenir
des commandes de portraits. En mars 1939,
il fut réduit à travailler comme ouvrier: il
peignit des meubles pour des magasins, des
lettrages sur des vitrines, il exerça même le
métier de plafonneur ! En février 1940, pour
régulariser sa situation d’immigré sans reve-
nu, il devint mineur de fond dans une mine
de charbon à Châtelineau. Cette activité fut
interrompue en mai 1940 suite à l’invasion
allemande.
Peu de temps après, il fut “engagé” par les
allemands comme ouvrier à l’aérodrome
Paul Mak 1916
d’Evere. En 1942, il rencontra à Bruxelles
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une jeune comédienne d’origine russe, Lydia
Dourdina. Elle avait joué à la UFA à Berlin avant la guerre. Elle envoya une lettre au comte von
der Schulenburg (il était, je le rappelle, le parrain de ma demi-sœur Elisabeth). Mak fut libéré. En
novembre 1944, von der Schulenburg, impliqué dans l’attentat du 20 juillet contre Hitler, sera pendu
dans la prison Ploetsen zee.
Ainsi, après trois années d’interruption quasi complète, Mak se remit à peindre et Lydia Dourdina
mit toute son énergie à le faire connaître. En 1943, dans une lettre à une dame dont elle sollicitait
l’aide, elle écrivit: “Nous devons (nous, je parle comme la mouche du coche) le relancer, n’est-il pas
vrai? Je dis relancer, car lancé il le fut déjà et si bien parti. Il faut maintenant tout recommencer...”.
Il ne fait aucun doute que c’est Lydia Dourdina qui est au départ de la longue carrière de Mak en
Belgique.
En janvier 1946, je suis né. Je ne marchais pas encore quand Mak nous quitta ma mère et moi. Au
cours de l’année 1945, il était tombé follement amoureux d’Emilie Mastovoï, divorcée et mère de
deux enfants.
A partir de 1945, Mak exposa régulièrement à Bruxelles, à Charleroi, à Gand et à Anvers, … Les
dernières vingt années de sa vie, il vécut et travailla à Ixelles, au 558, chaussée de Waterloo, dans
un deux-pièces cuisine, situé au premier étage et comprenant une pièce en façade qui lui servait à
la fois de salon, de salle à manger et … d’atelier ! La toilette se trouvait à l’entresol ! Mak peignit
toujours, comme il aimait le dire, “à la façon des anciens miniaturistes persans”, c’est-à-dire sur une
planche de bois posée sur ses genoux !
En 1958, lors de l’Exposition Universelle de Bruxelles, le jury international l’honora d’une médaille
d’or pour les tableaux exposés dans le pavillon de l’Iran.
Mon père décéda à Bruxelles en 1967. Après un service religieux dans l’église russe de la rue Paul
Spaak, ce fut presque dans l’anonymat qu’il fut enterré dans le cimetière d’Ixelles: quatorze per-
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